DASSŌ-HEI

Note d'intention

Telle une mécanique de précision, la vie d’ingénieur m’a fait tendre vers la performance, l'endurance et le contrôle. Mais à reléguer ses doutes au rang de caprices, on devient aveugle à soi-même. Au milieu d’un environnement réglé et normé, en silence, des dissonances ont pris corps.

C’est un bouleversement personnel et professionnel que j’ai exploré en photos lors d’une épopée solitaire, un réflexe de survie qui prend la forme d’un abandon de poste.

“Dassō-hei” signifie « déserteur » en japonais.

J'ai déserté comme on retire sa main du feu, dans l'urgence, sans préméditation, sans autre recours. Arrivée au point de bascule, mes repères semblant se déliter, dans un monde en train de chavirer, j’ai lâché la carte pour pratiquer le territoire et éprouver ce lien primitif aux éléments qui est au cœur de la culture japonaise. A la fois conflictuel et symbiotique.

Le choix du Japon comme une évidence, j’ai senti une résonance avec mon histoire personnelle. Cette société extrêmement codifiée érige les règles, le devoir et le collectif au rang de valeurs cardinales. On y endure le vacarme des rythmes infernaux. Dans ce cadre, mon intérêt s’est porté sur Hokkaido. Sur cette île de l’archipel en proie aux hivers rigoureux, ce contrôle social et ces injonctions semble venir buter contre la rudesse des conditions.

Inspirée par les univers fantastiques des romans de Haruki Murakami, cette série immerge dans un imaginaire onirique empreint de visions surnaturelles. Elle figure la dilution de l’être face aux contraintes intenables et évoque en creux la dualité de la liberté avec l’exaltation qu’elle procure, mais aussi la perte de repères et les dangers qui l’accompagnent. 

Par un voyage entre surface sociale et tourments souterrains, je souhaite questionner ce que deviennent les injonctions lorsqu’elles sont confrontées à nos propres limites.

Le film photographique


La première du film DASSŌ-HEI, c'était à l'inauguration des Nuits Photos le 1er novembre 2024. Le film était projeté à la suite de UNFRAMED qui avait remporté le Grand Prix en 2023. A cette occasion, j'ai pris la parole pour évoquer ce que je vois de commun dans ces deux films pourtant si différents dans leur forme.

"Je me suis demandée que pouvait être le fil directeur entre une création épileptique, saturée et bruyante et une autre, méditative, noir et blanc et granuleuse. Je pense que tout cela parle d’une part inconsolable en moi. Ça parle de ce qui se joue quand je deale avec la réalité, mon environnement, mon quotidien, le système capitaliste et patriarcal.

Ça tourne autour de la tentative de fuir, de se soustraire à la peur, la honte et la tristesse par l’euphorie et, je dois bien me l’avouer, un peu de colère.

Dans ces deux films, j’ai essayé d’y mettre l’énergie du soulèvement. Je questionne l’audace mais aussi les doutes que celle-ci engendre chez moi. En trame de fond, il y a la perte de privilèges et le questionnement sur le paradoxe qu’il y a à vivre selon son essence, ses convictions mais aussi rester en vie.

Je crois qu’en mettant la lumière sur mes propres contradictions, je veux aussi rendre hommage à cette part humaine qui nous caractérise, en plus de l’empathie et de l'attachement"

Merci à Kuba Olszak pour les photos, à Pauline et Eglantine qui m'offrent toute leur concentration ;-)

Teaser DASSŌ-HEI

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DASSŌ-HEI (Déserteur)
Réalisation : Lionelle M.
Durée : 12’40 - Sortie : 1er novembre 2024

Le film est disponible sur la plateforme The Darkroom Rumour

 

Prix Mentor 2023


La série Dassō-hei a retenu l'attention de l'association FREELENS pour les sélections du prix MENTOR 2023.

La session a eu lieu le 7 avril à Bordeaux à l'espace St Rémi en marge du festival Itinéraires des photographes voyageurs 2023.

Un grand merci à FREELENS de nous offrir de telles occasions de rencontre de partage.

Le tracé 

En 2015, j’ai découvert la pratique du Shodô. Telle une méditation dynamique et silencieuse, on lâche ses pensées au fur et à mesure de la répétition d’un geste que l’on s’approprie. A l’instar de la photographie, un kanji seul peut signifier un concept ou un mot. Mais assemblés entre eux, ils deviennent déroutants et mystérieux. Ils défient la logique de nos esprits occidentaux.

J’aime dessiner un kanji comme on prend une photo.
J’aime les enchaîner comme on construit une narration.


Avec mon pinceau de calligraphie, l’encre de chine et la gestuelle empruntée au Shodô,
j’ai imaginé un tracé qui raconte d’où je viens et ce que représente la symbolique Dassō-Hei.





Le tracé commence par un mouvement régulier, fourni et rectiligne. Il n’offre pas l’ombre d’un doute sur sa détermination à progresser à la surface du papier. Toute question trouve sa réponse.

Puis intervient un arrêt où s'accumulent les tensions et les doutes. Dans un silence soudain, la rupture prend corps. Comme une fuite chaotique, le trait se détourne et s’accélère. Il tente en vain un retour en arrière et s’étiole. L’aventure sans destination se dissout en dehors de la feuille, en dehors de toute dimension connue.

Dans un vertige infini, il se désincarne en même temps que fond ma résolution à suivre les règles qui m’étaient imposées. Il se dilue dans le blanc pour ne devenir qu’un souvenir. Comme ce trait, ma progression erratique dans la neige hors des chemins n’offre pas beaucoup de repères.



Toute la genèse du projet résumé en images

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DASSŌ-HEI (Make of)
Durée : 6’03